
Magie Verte


À l'aube d'une nuit empreinte de mystères, lorsque le ciel s'habille d'une étoffe d'argent et de bleu, les villageois, silhouettes joyeuses et déterminées, commencent à gravir la colline sacrée. C'est un jour de fête, un jour de communion avec les forces anciennes, un sabbat de magie verte qui s'inscrit dans le cycle éternel des saisons. Les échos des rituels passés résonnent dans l'air, comme une mélodie que seuls les cœurs attentifs peuvent entendre.
Elle, au cœur de la foule, avance avec une ferveur palpable. Dans ses bras, un bouquet de plantes récoltées avec soin : la sauge, la mandragore, et le pavot, chacune portant en elle un éclat de sagesse et de pouvoir. Ce soir, elles seront offertes aux flammes, pour éveiller les esprits des ancêtres. Les étoiles semblent scintiller plus intensément, comme si elles étaient conscientes des rites qui s'annoncent.
Arrivés au sommet, les villageois forment un cercle autour d'un grand foyer, le bois sec et parfumé qui crépite sous le souffle du vent nocturne. Ils chantent des hymnes anciens, des chants qui s’élèvent vers les cieux, appelant les ancêtres et les esprits de la nature. L'air est chargé d'anticipation, vibrant d'une énergie qui frôle le sacré. Elle dépose les plantes dans les flammes, les feuilles se tordant et se courbant, transformées en volutes de fumée qui s'élèvent vers les étoiles. Les odeurs se mêlent, une alchimie de résine, d'herbes et de feu.
Dans cette atmosphère chargée de spiritualité, une bête sacrifiée – un jeune agneau, symbole de pureté – est présentée. Le sacrifice n’est pas un acte de violence, mais un don, une offrande aux puissances d’une nature indomptable. Les villageois se tiennent la main, formant un cercle de solidarité, tandis que le cœur de l’agneau est offert, pulsant de vie et de promesse. Les chants s’intensifient, un rythme sourd résonne, battant à l’unisson avec le battement des cœurs.
Puis viennent les instruments : tambours, flûtes, et clochettes, un orchestre sauvage qui réveille les ancêtres endormis. Les battements, puissants et hypnotiques, entraînent chacun dans une transe collective. Elle se laisse aller à cette vague d’énergie, son corps vibrant en harmonie avec la terre. Les plantes psychotropes, offertes par la nature, prennent effet, ouvrant les portes de la perception. Les visages s’illuminent, les yeux brillent d’une lumière intérieure, et la frontière entre le monde visible et invisible s’estompe.
Dans cette communion exaltante, des visions apparaissent. Les esprits de la montagne, de la forêt, de l’eau, s’élèvent au-dessus d’eux, prenant forme et substance dans l’air chargé de mystère. Les ruisseaux commencent à murmurer plus fort, comme si leur colère et leur joie se mêlaient à l’exultation du sabbat. Les montagnes, dans un frisson de puissance, vibrent sous les pieds des participants, comme si elles avaient elles-mêmes été éveillées par cet égrégore en expansion.
Les éclairs dansent dans le ciel, et la foudre frappe, illuminant la nuit d’un éclat pur et sauvage, comme une signature des dieux s’invitant à cette célébration. Les villageois, emportés par cette force, deviennent une seule entité, une multitude de voix et de corps unis dans un même souffle, une même intention. Les histoires des ancêtres se mêlent aux récits d’aujourd’hui, tissant une tapisserie d’existence, de pouvoir et de magie.
Au petit matin, lorsque le soleil émerge lentement, caressant la terre d’une lumière dorée, les villageois, encore sous le charme de la nuit, commencent à redescendre. Les rires résonnent, les souvenirs se forment, mais la fatigue s’invite aussi, lourde et douce. Les fêtes chaudes, celles des équinoxes, laissent une chaleur agréable dans le cœur, tandis que les fêtes froides, marquées par le solstice d’hiver, se terminent dans un sentiment d’épuisement sacré.
Ainsi, chacun retourne chez soi, le pas léger mais l’esprit alourdi de visions et de promesses. Dans le silence qui suit, la montagne, témoin silencieux de leur union, reste imprégnée de la magie de la nuit, se dressant fièrement, gardienne des secrets des dieux, des hommes et des esprits, entre le visible et l’invisible. En elle, elle porte une nouvelle âme qui l'incarne désormais, devenue déesse.



















